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L’ergothérapeute comme témoin expert à la cour : l’obligation d’agir avec objectivité et impartialité

Tel que nous l’avons vu dans notre article intitulé L’ergothérapeute comme témoin à la cour : les préalables (Ergothérapie express, vol. 20, no 4, décembre 2009), le rôle de l’expert consiste essentiellement à éclairer le tribunal sur des matières scientifiques ou techniques qui nécessitent un niveau de connaissance que ce dernier ne possède pas. Le tribunal s’attend à ce que l’expert fasse preuve d’objectivité et d’impartialité dans la réalisation de son mandat.

L’objectivité et l’impartialité doivent prévaloir dès qu’un ergothérapeute est approché par un mandataire et tout au long du processus de réalisation du mandat. Le défaut de se conformer à cette obligation risque fort d’entraîner de lourdes conséquences pour l’ergothérapeute, son mandataire et la profession, tel que nous le verrons ci-après. Mais tout d’abord, il importe de définir ce que l’on entend par objectivité et impartialité.

Quelques définitions

Le dictionnaire Le Petit Larousse 2008 définit l’« objectivité » comme suit : Qualité d’une personne qui porte un jugement objectif, qui sait faire abstraction de ses préférences. Qualité de ce qui est conforme à la réalité, de ce qui est décrit avec exactitude.

L’« impartialité » est pour sa part définie comme étant le caractère, la qualité de quelqu’un qui est impartial ou de ce qui est juste, équitable. Le terme « impartial » est quant à lui défini comme suit : Qui ne favorise pas l’un aux dépens de l’autre ; qui n’exprime aucun parti pris ; équitable.

Nous examinerons ci-après comment la mise en application de tels concepts peut s’articuler en matière d’expertise.

Avant d’accepter le mandat

Avant d’accepter d’agir à titre d’expert, l’ergothérapeute doit s’assurer de bien comprendre le contexte clinique et juridique dans lequel il doit s’acquitter de son mandat ainsi que de posséder les connaissances et les compétences requises pour ce faire.

L’ergothérapeute doit donc connaître l’identité des parties en cause (demande, défense, tiers, agent payeur, compagnie d’assurance), les enjeux (gains et pertes financières, emploi), le but du mandat, les attentes relatives à son expertise, etc. Par la suite, l’ergothérapeute doit souligner au mandataire les limites de l’intervention proposée ainsi que les obligations professionnelles d’objectivité et d’impartialité qu’il se doit de respecter, et s’assurer que le mandataire n’y fera pas obstruction.

On recommande fortement de noter au dossier les conclusions de l’échange qui aura permis d’établir le cadre du mandat, et de demander une lettre de confirmation du mandat. Rappelons aussi qu’il est préférable de le formuler par écrit puisqu’il servira alors de ligne directrice à l’ergothérapeute.

Lors de la préparation et du processus d’évaluation

Une évaluation impartiale se doit d’explorer tous les aspects d’une problématique et toutes les questions qu’elle soulève. Ainsi, l’ergothérapeute doit examiner l’ensemble des éléments pertinents et ne pas se limiter qu’à ceux qui sont susceptibles de favoriser la partie qui a retenu ses services.

Lors de la rédaction du rapport d’expertise

Le rapport d’expertise doit faire état du processus appliqué lors de l’évaluation, de même que des constats qui en découlent. De plus, il doit contenir une analyse documentée de la situation, de même qu’une argumentation solide permettant de soutenir l’opinion professionnelle de l’ergothérapeute. Dans un souci d’impartialité, le rapport d’expertise doit être conçu de façon à ce qu’il puisse être présenté de la même manière, en demande ou en défense. En aucun temps, l’ergothérapeute ne peut rédiger un rapport de complaisance avantageant injustement la partie qui a retenu ses services.

Les conséquences du défaut d’agir avec objectivité et impartialité

Le défaut pour un ergothérapeute d’agir avec impartialité lors d’une expertise peut entacher sa crédibilité et celle de la profession.

Dans un tel cas, l’ergothérapeute s’expose à un recours disciplinaire puisque, ce faisant, il aura contrevenu à diverses obligations déontologiques qui lui incombent, dont celles d’agir avec intégrité et indépendance professionnelle et d’éviter de donner un avis incomplet (articles 3.02.01, 3.05.02 et 3.02.04 du Code de déontologie des ergothérapeutes), de même que celle d’éviter de poser des actes dérogatoires à l’honneur ou à la dignité de la profession tel que le stipule l’article 59.2 du Code des professions.

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