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Deux jugements du Conseil de discipline en pédiatrie : impact sur la pratique

Le 13 avril 2021, le Conseil de discipline de l’Ordre des ergothérapeutes du Québec a publié quatre jugements rectifiés sur la culpabilité et sur la sanction d’une ergothérapeute et d’une ex-ergothérapeute, ces jugements faisant suite à deux plaintes disciplinaires déposées initialement par le bureau du syndic. Dans cet article, nous vous présentons quelques faits saillants de ces deux jugements sur culpabilité.

En ver tu de cette décision, les deux intimées ont été tout d’abord reconnues coupables d’infractions portant sur le non-respect des limites du champ d’exercice en ergothérapie. Rappelons que le champ d’exercices en ergothérapie est défini ainsi par l’article 37. o) du Code des professions : « évaluer les habiletés fonctionnelles, déterminer et mettre en oeuvre un plan de traitement et d’intervention, développer, restaurer ou maintenir les aptitudes, compenser les incapacités, diminuer les situations de handicap et adapter l’environnement dans le but de favoriser l’autonomie optimale de l’être humain en interaction avec son environnement ; » 

Les infractions ont été formulées comme suit :

  1. le ou vers le 3 janvier 2013, dans le rapport d’évaluation en ergothérapie concernant (l’enfant A), a outrepassé son champ de compétence, notamment en : a. tentant d’établir un lien cerveau-comportement ou d’établir un lien entre une affection clinique et une altération possible ou confirmée des fonctions cérébrales, mentales supérieures ou cognitives ; b. portant un jugement quant au lien unissant des observations faites lors d’un processus d’évaluation à une altération possible des fonctions cérébrales, mentales supérieures ou cognitives ; le tout contrairement à l’article 3.02.02 du Code de déontologie des ergothérapeutes (RLRQ, chapitre C-26, r. 113.01) et à l’article 59.2 du Code des professions (RLRQ, c. C-26)1 ;
  2. le ou vers le 6 mai 2016, dans le rapport d’évaluation en ergothérapie concernant (l’enfant B), a outrepassé son champ de compétence, notamment en : a. tentant d’établir un lien cerveau-comportement ou d’établir un lien entre une affection clinique et une altération possible ou confirmée des fonctions cérébrales, mentales supérieures ou cognitives ; b. portant un jugement quant au lien unissant des observations faites lors d’un processus d’évaluation à une altération possible des fonctions cérébrales, mentales supérieures ou cognitives ; le tout contrairement aux articles 15 et 17 du Code de déontologie des ergothérapeutes (RLRQ, chapitre C-26, r. 113.01) et Code de déontologie des ergothérapeutes (RLRQ, chapitre C-26, r. 113.01) et à l’article 59.2 du Code des professions (RLRQ., c. C-26)2 ;
  3. le ou vers le 7 novembre 2014, dans le rapport d’évaluation interdisciplinaire concernant (l’enfant C), a outrepassé son champ de compétence, notamment en : a. tentant d’établir un lien cerveau-comportement ou d’établir un lien entre une affection clinique et une altération possible ou confirmée des fonctions cérébrales, mentales supérieures ou cognitives ; b. portant un jugement quant au lien unissant des observations et résultats d’évaluation à une altération possible des fonctions cérébrales, mentales supérieures ou cognitives ; le tout contrairement à l’article 3.02.02 du Code de déontologie des ergothérapeutes (RLRQ, chapitre C-26, r. 113) et à l’article 59.2 du Code des professions (RLRQ., c. C-26)3.

Le Conseil de discipline a adhéré au raisonnement de l’experte retenue par la syndique afin de conclure à la culpabilité des intimées. L’analyse et le jugement clinique de l’ergothérapeute doivent rester ancrés dans son champ d’exercice. De ce fait, l’ergothérapeute ne peut pas, dans son évaluation, statuer sur la nature ou les causes d’une affectation clinique, en établissant un lien direct entre le cerveau et le comportement ou encore entre une affectation clinique et une altération possible ou confirmée des fonctions cérébrales, des fonctions mentales supérieures ou cognitives puisqu’une telle analyse ne se situe pas dans le champ d’exercices des ergothérapeutes. L’ergothérapeute ne peut non plus, dans les documents liés à la prestation de service d’ergothérapie, statuer sur les causes d’un comportement. Il doit fonder son analyse et émettre ses conclusions en fonction de ce qui est observé. Fort de cette analyse, les deux intimées ont été trouvées coupables d’avoir outrepassé leur champ de compétence.

De plus, le Conseil fait siennes les nuances exprimées par l’experte qui précise que l’appréciation des fonctions mentales supérieures, dans le but de porter un jugement clinique sur les habiletés fonctionnelles d’une personne, peut être faite par l’ergothérapeute. Cependant, cette appréciation ne lui permet pas d’évaluer le fonctionnement mental d’une personne. Aussi, selon ce jugement, l’analyse et le jugement de l’ergothérapeute doivent porter sur les habiletés fonctionnelles
et les défis occupationnels.

En outre, ces jugements soulignent l’importance de respecter les principes scientifiques et professionnels généralement reconnus dans l’utilisation des tests standardisés par l’ergothérapeute. En effet, une des ergothérapeutes a été reconnue coupable de deux chefs d’infractions portant sur l’administration des tests : le Bruins-Oseretsky test matter Proficiency et le Peabody Developmental Motors Scales tests. Dans les deux cas, les deux tests n’ont pas été passés en entier et pour l’un des tests, la séquence des sous-tests n’a pas été respectée. En conséquence, l’ergothérapeute ne pouvait pas faire de liens avec les normes établies pour ces tests. 

Enfin, concernant le volet de la publicité, l’ergothérapeute est reconnu coupable d’avoir enfreint les articles 67 et 84 du Code de déontologie en permettant que soit diffusé sur le site de l’entreprise où exerce l’ergothérapeute un témoignage d’appui. Ce jugement confirme donc la règle qu’en termes de publicité les témoignages d’appui sont interdits par notre code de déontologie et qu’il est de la responsabilité de l’ergothérapeute de s’assurer que ses collaborateurs respectent également cette règle.

Ainsi, ces jugements viennent s’ajouter aux références qui précisent l’importance du respect des limites de nos compétences, de notre champ d’exercice et de nos activités réservées comme ergothérapeute ainsi que de celles des autres professionnels. Ils permettent aussi de rappeler certaines règles déontologiques, telles que le respect des règles de l’art, des principes scientifiques en matière d'utilisation de tests standardisés et de certaines règles relatives à la publicité. 

En conclusion, le bureau du syndic vous invite à prendre connaissance des deux jugements étant donné leur impact sur la pratique des ergothérapeutes :
https://www.oeq.org/DATA/CMSDOCUMENT/901.pdf
https://www.oeq.org/DATA/CMSDOCUMENT/4201.pdf

1 Ordre des ergothérapeutes du Québec c. Marie-Ève Caron, [2020].
2 Idem.
3 Ordre des ergothérapeutes du Québec c. Mélissa Grenier, [2021].