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L’ergothérapie en milieu scolaire - Bonnes pratiques relatives à l’obtention du consentement et au respect du secret professionnel

Les ergothérapeutes oeuvrant en milieu scolaire sont confrontés à des problématiques particulières eu égard à la question du consentement aux soins de même qu’au respect du secret professionnel. Nous tenterons dans le présent texte de faire le point sur ces questions de manière à en dégager un certain nombre des bonnes pratiques.

Le consentement aux soins

L’obligation de consentir aux soins découle principalement de l’article 11 du Code civil du Québec, lequel stipule que nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quelle qu’en soit la nature, qu’il s’agisse d’examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention.

L’article 3.02.03 du Code de déontologie des ergothérapeutes prévoit pour sa part que l’ergothérapeute doit, dès que possible, informer son client de la nature et des modalités du traitement que ce dernier requiert et il doit, le cas échéant, obtenir son accord à ce sujet.

Le Référentiel de compétences lié à l’exercice de la profession d’ergothérapeute au Québec fait également état de l’importance d’obtenir un consentement libre et éclairé avant de recueillir des données de même qu’avant la mise en oeuvre d’un plan d’intervention1.

Dans le contexte scolaire, le travail de l’ergothérapeute est varié. Il peut se limiter au dépistage de groupe ou se traduire par des interventions spécifiques auprès d’un enfant. Peu importe le type d’intervention de l’ergothérapeute auprès d’un enfant, le consentement au préalable est de mise2. Les éléments couverts par le consentement varieront cependant en fonction de la situation. Dans un tel contexte, une approche en deux temps, telle qu’illustrée ci-après, pourrait s’avérer pertinente.

a) Consentement général

En début d’année scolaire, l’école (ou la commission scolaire) pourrait faire parvenir aux parents3 un formulaire de consentement général aux services d’ergothérapie à signer et retourner. Le consentement ainsi obtenu pourrait porter sur :

  • le dépistage individuel et de groupe ;
  • l’émission à l’enseignant de recommandations de base, découlant du dépistage, eu égard à un enfant (p. ex. : utiliser des ciseaux spéciaux pour un enfant ayant de la difficulté avec le découpage).

Le formulaire de consentement général devrait indiquer ce sur quoi portera le dépistage (p. ex. : habiletés nécessaires à l’écriture) et informer les parents que l’ergothérapeute communiquera à nouveau avec eux si, à la suite du dépistage, il est d’avis que des services non couverts par le consentement général sont requis pour leur enfant.

Idéalement, l’école devrait obtenir ce consentement et l’ergothérapeute devrait en conserver une copie dans son dossier. À défaut par l’école de le faire, il reviendra à l’ergothérapeute d’obtenir les consentements requis. L’école devra alors lui fournir les coordonnées des parents des élèves pour ce faire.

b) Consentement spécifique

L’ergothérapeute devra obtenir un autre consentement (verbal ou écrit) des parents avant d’entreprendre une évaluation individuelle de l’enfant. Il en sera de même si, à la suite de cette évaluation, une intervention auprès de l’enfant s’avère requise, que cette intervention soit effectuée par l’ergothérapeute lui-même ou par l’enseignant ou une autre personne, suivant les recommandations émises par l’ergothérapeute.

L’ergothérapeute devra auparavant s’assurer de fournir aux parents toutes les explications requises pour qu’ils fournissent un consentement libre et éclairé. Si les parents refusent qu’une évaluation ou une intervention soit effectuée auprès de leur enfant, l’ergothérapeute devra respecter ce choix.

Le respect du secret professionnel

Une des principales sources de questionnement des ergothérapeutes oeuvrant en milieu scolaire est sans contredit la question de l’accessibilité de leurs dossiers par les divers intervenants scolaires (enseignants, autres professionnels, direction de l’école ou de la commission scolaire) dans un contexte de respect du secret professionnel.

Il importe dans un premier temps de rappeler que l’ergothérapeute a l’obligation de respecter le secret professionnel de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession4. Cette obligation s’applique, peu importe que l’ergothérapeute ait recueilli les renseignements confidentiels à la demande de l’école, de la commission scolaire ou à la suite d’une initiative en ce sens de la part de l’élève ou de ses parents.

Le droit au secret professionnel appartient à celui qui se confie dans le but d’obtenir un service professionnel (l’élève)5.

Deux types de situations permettent à l’ergothérapeute de divulguer des renseignements protégés par le secret professionnel à autrui :

  • Lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse;
  • Sur autorisation de son client (expresse ou tacite).

a) Lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse

Rares sont les dispositions législatives qui ordonnent ou autorisent expressément l’ergothérapeute à transmettre des renseignements protégés par le secret professionnel aux enseignants, aux autres professionnels ou aux autorités de l’école ou de la commission scolaire sans le consentement de l’élève ou de ses parents.

Parmi celles-ci, mentionnons l’article 60.4 du Code des professions qui autorise un tel transfert en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsque l’ergothérapeute a un motif raisonnable de croire qu’un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable6.

D’aucuns prétendent que certains articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels autorisent également un tel transfert7. Une telle interprétation ne semble cependant pas partagée par la Commission de l’accès à l’information, laquelle a statué que la Loi sur l’accès ne contient pas de disposition expresse permettant de passer outre au secret professionnel8.

Cela étant dit, en l’absence d’une disposition législative expresse à cet égard, lorsque l’intérêt de l’élève commande que des renseignements protégés par le secret professionnel soient transmis à des tiers (afin de pouvoir en discuter avec d’autres intervenants ou donner à l’élève accès à des services par exemple), il reviendra à l’ergothérapeute de s’assurer d’obtenir les consentements requis, tel que nous le verrons ci-après.

b) Avec le consentement de l’élève9 ou de son représentant légal

Le transfert de renseignements protégés par le secret professionnel est parfois essentiel afin d’offrir à un élève les services dont il a besoin. C’est le cas notamment lors de la mise en place d’un plan d’intervention multidisciplinaire ou lorsqu’un ergothérapeute doit solliciter la collaboration de l’enseignant afin de mettre en oeuvre son plan d’intervention individualisé.

Certains organismes oeuvrant dans le domaine scolaire10 sont d’avis qu’un élève qui accepte de rencontrer un professionnel de la santé oeuvrant pour le compte de l’école ou de la commission scolaire à la demande de la commission scolaire pour satisfaire aux obligations de la Loi sur l’instruction publique, consent implicitement au transfert de renseignements protégés par le secret professionnel à des tiers. Par conséquent, les renseignements recueillis par le professionnel peuvent, selon eux, être transmis aux divers intervenants concernés.

Cependant, lorsque l’élève rencontre le professionnel de sa propre initiative ou à la demande de ses parents pour bénéficier des services complémentaires offerts par la commission scolaire, le consentement implicite ne trouverait pas application et les renseignements ainsi recueillis devraient, selon eux, être gardés confidentiels.

Afin d’éviter tout malentendu sur cette épineuse question, il est préférable de toujours obtenir un consentement exprès, libre et éclairé avant de procéder au transfert de renseignements protégés par le secret professionnel à un tiers, que ce soit un autre professionnel, un enseignant ou la direction de l’école ou de la commission scolaire.

Par conséquent, lorsque l’ergothérapeute est d’avis qu’un tel renseignement doit être transféré à un tiers afin de pouvoir répondre aux besoins de l’élève et lui offrir les services requis, il devra s’assurer auparavant que l’élève ou ses parents ont autorisé un tel transfert. Les renseignements pertinents devront leur être fournis, dont notamment :

  • Quels sont les renseignements qui seront transmis?
  • À qui?
  • Pourquoi?
  • Quelles sont les conséquences d’un refus?

L’ergothérapeute devra alors faire preuve de discernement et s’assurer de ne partager que les renseignements nécessaires à la situation donnée. La confidentialité des autres renseignements protégés par le secret professionnel qui n’ont pas à être partagés avec des tiers devra être préservée.

1. Voir à cet effet les compétences 1.1.2 et 1.2.1.
2. L’émission de conseils généraux à l’enseignant (p. ex. : comment aider tout enfant qui a de la difficulté à tenir son crayon) ne nécessite cependant pas de consentement.
3. Il importe de noter que le consentement d’un seul parent suffit, à moins que l’ergothérapeute ait des motifs de croire que l’autre parent est en désaccord (art. 603 Code civil du Québec). Dans un tel cas, il reviendra aux tribunaux de trancher la question.
4. Voir à cet égard l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, l’article 60.4 du Code des professions, de même que l’article 3.06.01 du Code de déontologie des ergothérapeutes.
5. N. VALLIÈRES, « Le secret professionnel inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec », (1985) 26 C. de D. 1019, 1020.
6. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.
7. Un des articles de la Loi sur l’accès les plus susceptibles d’être invoqué à cet égard est l’article 62 qui prévoit ce qui suit : 62. Un renseignement personnel est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d’un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l’exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l’une des catégories de personnes visées au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l’article 76 ou au paragraphe 5° du premier alinéa de l’article 81.
8. Labelle c. Ville de Montréal (1984-86) 1 C.A.I 199, page 204.
9. Âgé de 14 ans et plus.
10. Voir à cet égard le document de la Fédération québécoise des commissions scolaires L’accès à l’information et le secret professionnel – Perfectionnement des gestionnaires, Annie ROUSSEAU, FQCS, 1996, pages 15-16, de même que le document du Ministère de l’Éducation du Québec intitulé La protection des renseignements personnels à l’école – Document d’information, Direction de l’adaptation scolaire et des services complémentaires, 1994, pages 35-36.

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