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La contention en milieu scolaire

L’Ordre reçoit depuis quelque temps de nombreuses questions de la part de ses membres relativement à la contention en milieu scolaire. Certaines observations rapportées font de plus état de pratiques illégales et de risque de préjudices importants pour les enfants. De fait, il appert que plusieurs centres de services scolaires (CSS) et écoles autorisent certains de leurs employés à décider de l’utilisation de mesures de contention à appliquer auprès d’élèves sous leur égide, et ce, en dépit du fait que ces intervenants ne sont pas légalement habilités à exercer une telle activité.

Rappelons que l’activité de décider de l’utilisation de mesures de contention1 a été jugée à haut risque de préjudice par le législateur québécois puisqu’elle porte atteinte à l’intégrité physique de la personne concernée. De ce fait, cette activité a été réservée à certains professionnels de la santé, à savoir les médecins, les infirmières, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les psychologues, les criminologues, les psychoéducateurs et les travailleurs sociaux. Le législateur a cependant limité la réserve d’activité des psychologues, criminologues, psychoéducateurs et travailleurs sociaux aux seules décisions d’utilisation de mesures de contention prises dans le cadre de l’application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris.

Par conséquent, à l’heure actuelle, seuls les ergothérapeutes, infirmières, médecins et physiothérapeutes sont légalement autorisés à décider de l’utilisation de mesures de contention en milieu scolaire. Les autres intervenants œuvrant au sein d’écoles ou de CSS n’étant pas des professionnels habilités par le législateur, ils ne peuvent donc pas décider d’utiliser des mesures de contention, mais peuvent cependant appliquer de telles mesures, lorsque la décision de les utiliser a été planifiée par un professionnel habilité et consignée au plan d’intervention.

Or, à l’heure actuelle, de nombreux CSS et de nombreuses écoles font défaut de respecter cette réserve d’activité et demandent à des intervenants non habilités de décider de l’utilisation de mesures de contention auprès des élèves sous leur égide, entraînant par le fait même d’importants risques de préjudices pour ces derniers. Selon les informations obtenues, une telle façon de faire semble découler d’une interprétation erronée de l’article 39.6 du Code des professions, lequel permet à un parent, une personne qui assume la garde d’un enfant ou un aidant naturel d’exercer des activités professionnelles réservées à un membre d’un ordre. Plusieurs CSS et écoles considèrent à tort qu’ils « assument la garde » des enfants qui fréquentent leurs établissements au sens de l’article 39.6 du Code des professions et qu’ils peuvent, de ce fait, autoriser leurs employés à décider de l’utilisation de mesures de contention à leur égard, et ce, sans avoir à faire appel aux professionnels habilités.

L’Ordre ne souscrit évidemment pas à une telle interprétation de l’article 39.6 du Code des professions et est d’avis que la «personne qui assume la garde d’un enfant» dont il y est question est une personne physique, à l’instar du parent et de l’aidant naturel dont il est également fait mention dans cet article. Les écoles sont pour leur part visées par l’article 39.8 du Code des professions, lequel permet à une personne agissant dans une école d’administrer certains médicaments.

L’OEQ ayant comme mission première d’assurer la protection du public, nous sommes très préoccupés par l’orientation prise par plusieurs CSS et écoles à l’effet d’autoriser certains de leurs employés à exercer des activités pour lesquelles ils ne sont pas habilités, de même que par les importants risques de préjudice qui en découlent pour les enfants concernés. Nous sommes cependant conscients que derrière l’enjeu juridique précédemment mentionné se cache un enjeu de ressources humaines, alors que les ressources professionnelles dans plusieurs CSS sont limitées, rendant par le fait même difficile le respect des activités réservées.

L’Ordre a donc entrepris des travaux avec les autres ordres œuvrant en milieu scolaire et concernés par ce dossier (le Collège des médecins du Québec, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec ainsi que l’Ordre des psychologues du Québec) de même qu’avec la Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ) afin de tenter d’identifier des pistes de solution à mettre en œuvre.

L’OEQ, de concert avec les ordres susmentionnés, a de plus acheminé une lettre à M. Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, Mme Danielle McCann, ministre responsable de l’application des lois professionnelles et Mme Diane Legault, présidente de l’Office des professions du Québec, afin de les sensibiliser à la problématique et solliciter leur collaboration dans cet important dossier.

Afin de dissiper la confusion qu’il semble actuellement y avoir à l’égard de la contention en milieu scolaire, l’Ordre a de plus préparé une infolettre contenant un résumé des principales questions reçues de la part de ses membres à cet égard, de même que les réponses afférentes. L’infolettre contient également un rappel des principales étapes du processus clinique en lien avec la décision d’utiliser une mesure de contention ou mesure de contrôle. L’Ordre a de plus mis à la disposition de ses membres un forum d’échange et de discussion afin que ces derniers puissent débattre sur le sujet. Vous pouvez accéder au forum en allant à l’adresse suivante : https://portail.oeq.org/ forum/listeForums_v2.cnx.

Finalement, l’Ordre s’affaire actuellement à revoir sa formation offerte en gestion des mesures de contrôle afin que les ergothérapeutes soient encore mieux outillés dans le domaine de la contention en milieu scolaire. Cette nouvelle formation devrait être disponible au cours du printemps 2022.

L’Ordre est soucieux que ce dossier soit traité avec diligence et vous tiendra informé de la suite des démarches qui auront lieu incessamment.

1.La contention visée par la réserve d’activité est celle définie dans les «Orientations ministérielles relatives à l’utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle : contention, isolement et substances chimiques». Il s’agit d’une «mesure de contrôle qui consiste à empêcher ou à limiter la liberté de mouvement d’une personne en utilisant la force humaine, un moyen mécanique ou en la privant d’un moyen qu’elle utilise pour pallier un handicap».