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Choisir les instruments de mesure : une responsabilité de l’ergothérapeute

Une des responsabilités importantes de l’ergothérapeute est de savoir utiliser des instruments de mesure afin de procéder à l’évaluation de ses clients1. Au cours des dernières années, le comité d’inspection professionnelle a constaté que plusieurs ergothérapeutes utilisaient des instruments de mesure qui n’étaient pas toujours appropriés à la situation d’évaluation et qu’ils avaient de la difficulté à analyser les résultats recueillis à la suite de l’administration de ces outils. Le peu de temps accordé au choix des instruments de mesure utilisés en clinique est souvent le grand responsable de cette situation qui peut avoir des répercussions importantes sur la mise en oeuvre du plan d’intervention, notamment pour la formulation des objectifs, le choix des modalités d’intervention et la formulation de conclusions et de recommandations émises au client, aux membres de l’équipe et aux autres partenaires impliqués dans le dossier.

Le choix d’un instrument de mesure exige dans un premier temps de définir ce qui doit être mesuré. Pour ce faire, l’ergothérapeute doit utiliser des approches théoriques appropriées à sa clientèle et au contexte d’intervention. Par exemple, si un ergothérapeute désire mesurer la capacité d’une personne amputée ou d’un client souffrant de démence à réaliser les activités de la vie quotidienne, il utilisera des approches théoriques différentes afin de pouvoir recueillir des données pertinentes à la problématique spécifique de chacune de ces clientèles. Par ailleurs, le contexte d’intervention a aussi un impact sur la définition de ce qui sera mesuré. Par exemple, pour un client ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC), l’ergothérapeute travaillant en unité de réadaptation fonctionnelle intensive (URFI) documentera probablement en détail l’impact de l’AVC sur les capacités fonctionnelles de l’individu alors que celui travaillant dans un programme de soutien à domicile s’attardera à l’identification des buts personnels du client et à la détermination de l’impact des facteurs environnementaux. L’instrument de mesure devra donc être choisi par l’ergothérapeute en tenant compte du contexte de sa pratique professionnelle et être cohérent avec les approches théoriques qu’il utilise.

Deuxièmement, les instruments de mesure ne sont pas tous conçus pour un seul et même but. Certains outils ont été élaborés afin de discriminer la présence d’un problème ou d’une caractéristique chez les individus, d’autres pour prédire l’évolution d’une condition ou d’une situation et plusieurs pour évaluer les changements apportés par l’intervention. Par exemple, le Mini-Mental State Examination (MMSE) est un outil qui permet de dépister la présence de problèmes cognitifs chez la clientèle âgée mais qui ne permet pas d’évaluer en profondeur les atteintes cognitives ni de déterminer la présence d’une démence. Cet instrument de mesure doit donc être utilisé pour faire du dépistage et non pour effectuer un jugement clinique sur les fonctions cognitives ou pour mesurer les effets d’une intervention. Par contre, un outil tel que la Mesure canadienne du rendement occupationnel (MCRO) peut être utilisé par l’ergothérapeute pour discriminer les difficultés rapportées par le client au plan de son rendement occupationnel ainsi que pour évaluer l’amélioration de sa condition tout au long du processus d’intervention. Il importe donc de déterminer dans quels buts on désire utiliser un instrument de mesure et de s’assurer que celui-ci possède les qualités métrologiques (fidélité, validité et sensibilité au changement) nécessaires à son utilisation auprès de la clientèle ciblée.

D’autre part, il importe d’identifier la meilleure méthode d’évaluation correspondant au type de données qui doivent être recueillies auprès du client. Il existe quatre méthodes principales d’évaluation : les mesures instrumentées (p. ex. goniomètre, dynamomètre), l’observation, les questionnaires auto-administrés et l’entrevue. La méthode d’évaluation doit être sélectionnée en tenant compte de la nature de ce qui doit être mesuré (structures ou fonctions anatomiques, comportements, émotions, attitudes, etc.), de la précision et de la quantité d’informations nécessaires, du temps pouvant être consacré à l’évaluation ainsi que de la disponibilité de l’équipement et des coûts. Par exemple, l’ergothérapeute qui désire mesurer des peurs et des croyances vis-à-vis de la douleur privilégiera l’utilisation d’un questionnaire alors que l’ergothérapeute mesurant des capacités physiques de travail choisira un instrument de mesure permettant l’observation de tâches de travail.

Lorsqu’ils sont bien choisis, les instruments de mesure permettent de recueillir des informations pertinentes et appropriées, de procéder plus facilement et avec plus de rigueur à l’évaluation des clients et d’élaborer le plan d’intervention. Choisir les instruments de mesure ne peut donc se faire en utilisant simplement les outils que nous avons facilement sous la main. Cela nécessite une démarche préalable de réflexion et une recherche parmi l’ensemble des outils disponibles pour identifier celui qui répondra le mieux à nos besoins et à ceux de nos clients. Pour ce faire, il est possible de consulter des répertoires d’instruments de mesure publiés ou disponibles dans Internet, de réaliser une recherche dans les banques de données (Medline, Current Content, etc.) ou même de s’adresser à des chercheurs intéressés à la problématique de notre clientèle.

Le jugement professionnel de l’ergothérapeute est essentiel pour interpréter adéquatement les résultats obtenus et les mettre en contexte. En effet, le score seul d’un instrument de mesure ne veut pas dire grand-chose et pourrait même, dans certaines situations, causer un préjudice au client. Un article portant sur l’interprétation des résultats paraîtra dans la prochaine édition d’Ergothérapie express.

1 Responsabilité no 10 : « Procéder à l’évaluation et à l’analyse des résultats », Compétences et responsabilités professionnelles – Guide de l’ergothérapeute. OEQ, 2004.

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