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Obligations des ergothérapeutes relatives à la publicité

Depuis les dernières années, le pourcentage d'ergothérapeutes en pratique privée est en constante progression. En effet, en 2006, 12 % d’ergothérapeutes inscrits au Tableau de l’Ordre avaient leur lieu d’exercice principal dans le secteur privé alors que ce pourcentage atteint actuellement près de 18 %. Ces ergothérapeutes offrent leurs services soit sous forme de pratique autonome, soit en tant qu’employés dans une clinique d'ergothérapie ou dans une clinique multidisciplinaire, soit comme propriétaire-gestionnaire. Quoiqu’il en soit, ces services offerts par les ergothérapeutes du secteur privé font face à la concurrence du marché et dans ce contexte, la publicité devient un enjeu majeur de compétitivité. Les obligations relatives à la publicité semblent par ailleurs peu connues par les ergothérapeutes du secteur privé. En effet, le programme d’inspection des cabinets privés a révélé des lacunes au niveau de la maitrise des règles régissant la publicité. Un rappel de ces obligations s’impose donc. Toutefois, avant ce survol, il est important de rappeler que la publicité pour des services offerts par des ergothérapeutes est règlementée par le Code des Professions et le Code de déontologie des ergothérapeutes.

Quelles que soient la forme et les circonstances de la promotion des services offerts par un ergothérapeute au Québec, le Code des professions et le Code de déontologie des ergothérapeutes s'appliquent. L’objectif visé par cette règlementation étant la protection du public, pour atteindre cet objectif, tout article de lois ou règlements visant à règlementer la publicité des services offerts par les ergothérapeutes doit être interprété de manière très large. Cette large interprétation permet notamment d’inclure les diverses formes de publicité et les moyens de diffusion auxquels les cliniques privées ont accès. 

La plupart des obligations concernant la publicité se retrouvent dans la section III du Code de déontologie aux articles 82 à 88.1 L’article 82 exige des ergothérapeutes de faire preuve de professionnalisme et d’éviter de dévaloriser la profession dans leurs publicités et déclarations publiques. Il est important que les ergothérapeutes accordent une attention particulière au caractère professionnel de leur publicité d’autant plus à une époque où les technologies de l’information et des communications (TIC) sont de plus en plus présentes. En effet, comme le pointent plusieurs écrits, l’utilisation des médias sociaux par les professionnels rend plus difficile la séparation entre la vie privée et la vie professionnelle.2

De plus, l’article 83 précise que « L’ergothérapeute ne peut faire ou permette que soit faite, par quelque moyen que ce soit des déclarations fausses, incomplètes trompeuses ou susceptibles d’induire le public en erreur ». Compte tenu de cet article, l’ergothérapeute, qu’il soit employeur ou employé sera en infraction s’il a permis ou toléré une publicité ne respectant pas ces obligations telles que définies dans cet article. Il est à noter que l’expression « susceptible d’induire le public en erreur », signifie qu’il peut y avoir infraction sans même que le public soit induit en erreur parce qu’il est « susceptible de l’être ».

Il est aussi à souligner que l’article 17 du Code de déontologie des ergothérapeutes portant sur des « fausses représentations quant à son niveau de compétence, l’efficacité de ses propres services, de ceux avec qui il exerce sa profession ou de ceux généralement assurés par les membres de sa profession » peut également s’appliquer dans le cas d’une publicité. 

Si l’on poursuit avec l’article 84, il précise que les messages d’appui ou de reconnaissance provenant d’un client sont interdits. Il est important de souligner que le terme « client » peut s’appliquer tant au demandeur de services qu’au client bénéficiaire. Les témoignages d’appui et de reconnaissance provenant d’un client ont fait l’objet de plusieurs plaintes devant des conseils de discipline des ordres. En outre, dans un jugement du Tribunal des professions de 2015, des dentistes ont été reconnus coupables d’avoir permis des témoignages d’appui dans une publicité qu’ils ont diffusé ou ont permis de diffuser, soit une info-publicité contenant des messages d’appui ou de témoignages de reconnaissance. 

Par ailleurs, l’article 85 exige la conservation d’une copie intégrale de toute publicité ou dépliants publicitaires pour une période de douze mois suivant la date de sa dernière diffusion ou publication autorisée par l’ergothérapeute. Ceci inclue notamment la publicité effectuée par l’entremise de sites Web, de médias sociaux, d’objets promotionnels, de publicités radio ou télé.

Pour leurs parts, les articles 86 et 87 précisent que la publicité relative au prix des services et biens fournis par un ergothérapeute doit demeurer informative. Enfin, l’article 88 exige de l’ergothérapeute la divulgation de ses intérêts dans l’entreprise, s’il y a lieu, lorsqu’il fait la promotion d’un produit fabriqué ou distribué par cette même entreprise.

Le Code des professions quant à lui contient également certains articles portant sur la publicité, soient les articles 60.1 sur la conformité entre le message publicitaire et le service fourni, et l’article 60.2 sur les représentations fausses, trompeuses et incomplètes. De plus l’article 60.3 peut trouver application dans la publicité car il interdit à tout professionnel dont les ergothérapeutes de venir faussement, par quelque moyen que ce soit : « attribuer à un service ou à un bien un avantage particulier; prétendre qu’un avantage pécuniaire résultera de l’utilisation ou de l’acquisition d’un service ou d’un bien; prétendre qu’un service ou un bien répond à une norme déterminée; attribuer à un service ou à un bien certaines caractéristiques de rendement ». Ces articles sont importants car ils peuvent servir de lien juridique pour une infraction portant sur la publicité.

En résumé, le respect des obligations professionnelles en matière de publicité incombe à tous les ergothérapeutes. Pour ce faire, il importe de les connaitre, de les intégrer dans sa pratique mais également de demeurer vigilant quant aux publicités réalisées par son employeur puisque ces règles phares du système professionnel visent à donner préséance au professionnalisme plutôt qu’à l’intérêt commercial des professionnels. 


1. Code de déontologie des ergothérapeutes, 2015 C-26, r. 113.01
2. https://professions-quebec.org/actualites/utilisation-medias-sociaux-ethique-professionnelle/
3. https://www.barreau.qc.ca/pdf/journal/deonto/200904.pdf 
4. Code des professions C-26