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La participation du personnel non-ergothérapeute un exemple de piège à éviter

Me Jean Lanctot, Avocat
Récemment, deux ergothérapeutes ont dû comparaître devant le comité de discipline de l’Ordre pour faire face à une plainte disciplinaire leur reprochant notamment d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions et à l’article 3.02.01 du Code de déontologie des ergothérapeutes du Québec. Les circonstances qui entourent la commission de ces infractions touchant à l’honneur et à la dignité de la profession ainsi qu’à l’intégrité des ergothérapeutes impliqués illustrent de façon éloquente un dérapage important eu égard à la participation du personnel non-ergothérapeute à la prestation des services en ergothérapie.

Dans les deux cas, les ergothérapeutes avaient été embauchés par le physiothérapeute propriétaire d’une clinique privée. Les ergothérapeutes étaient présents à la clinique un jour par semaine, alors que la plupart des clients venaient en ergothérapie trois fois par semaine. Les clients ont donc reçu la majorité de leurs services en ergothérapie de la part de personnes non-membres de l’Ordre. Au total, sur des périodes d’environ six mois, respectivement 119 et 126 visites de clients ont eu lieu pour chaque membre alors qu’ils étaient absents de la clinique et ces services étaient facturés à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à titre de traitements en ergothérapie. Cette façon de faire ne respecte pas les lignes directrices de l’Ordre quant à la participation du personnel non-ergothérapeute à la prestation de services en ergothérapie.

Le comité de discipline a entériné la recommandation commune des parties et a imposé dans chaque cas une amende totalisant 4 200 $ en sus du paiement des déboursés. Les ergothérapeutes, sans antécédents disciplinaires, n’ont nullement tiré profit personnellement de cette pratique mise en place par leur employeur. Le comité a cependant souligné la gravité des gestes posés en précisant que ce type d’infraction se situait au coeur des attentes que le public a en regard de la probité d’un professionnel de la santé.

De plus, le comité a précisé que la situation était d’autant plus grave que les clients concernés pouvaient ne pas avoir bénéficié du suivi que justifiait leur cas. Le comité a tenu compte des regrets exprimés par les intimés, mais a tenu à indiquer qu’il n’hésiterait pas à imposer une radiation en d’autres circonstances plus accablantes. Il est à noter que le physiothérapeute propriétaire de la clinique a lui-même fait l’objet d’une plainte disciplinaire à son ordre professionnel, notamment pour avoir facturé des services d’ergothérapie à la CSST sans la présence d’ergothérapeute, et a été condamné à une amende de 5 000 $ pour ce chef.

Comme on peut le constater, ces affaires illustrent comment les ergothérapeutes peuvent être entraînés dans des situations où ils sont utilisés comme prête-noms, donnant ainsi une apparence de légalité aux yeux des organismes payeurs. Les clients, pour leur part, sont les premières victimes de ce type de procédé, et il y a lieu de s’en inquiéter.

En juin 2005, l’Ordre publiait un document intitulé Participation du personnel non-ergothérapeute à la prestation des services d’ergothérapie. Rappelons que les ergothérapeutes ont l’obligation de veiller à s’instruire adéquatement relativement à leurs obligations déontologiques. L’Ordre, quant à lui, assurera une vigilance particulière de façon à ce que ce type de pratique ne devienne pas un exemple à suivre.

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