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Le secret professionnel et le témoignage de l’ergothérapeute devant un tribunal

L’ergothérapeute, tout comme l’ensemble des professionnels québécois, doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession et il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne (art. 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, art. 60.4 du Code des professions, art.3.06.01 et 3.06.02 du Code de déontologie des ergothérapeutes).

La notion de secret professionnel recouvre toute information obtenue dans l’exercice de la profession et qui a été communiquée dans le cadre d’une relation d’aide et dans l’intérêt exclusif de celui qui l’a communiquée. En matière d’obligations reliées au secret professionnel, plusieurs membres de l’Ordre ont déjà eu à se questionner sur l’attitude à adopter lorsqu’ils sont appelés à témoigner devant le tribunal, soit comme expert désigné par une partie, soit lorsqu’ils sont assignés pour témoigner concernant un client.

La Cour suprême, dans l’affaire Frenette, a affirmé que le secret médical avait un caractère relatif et que l’étendue de la protection accordée aux renseignements confidentiels est susceptible de varier en fonction du contexte dans lequel cette protection est invoquée. Ainsi, lorsqu’il s’agit de décider de l’étendue du secret médical dans un contexte judiciaire, deux intérêts contradictoires doivent alors être conciliés : l’intérêt du client à la non-divulgation et l’intérêt de la justice à découvrir la vérité. Il appartient donc au tribunal de décider selon les circonstances particulières de chaque cas, lequel de ces deux intérêts doit prévaloir.

Renonciation au bénéfice du secret professionnel

Quand l’objet de l’éventuel témoignage est couvert par le secret professionnel, le professionnel peut en être relevé de deux manières.

Premièrement, le client de l’ergothérapeute peut renoncer au bénéfice du secret professionnel de manière expresse ou tacite, puisque le secret professionnel est dû à la personne qui fait l’objet des services professionnels. L’ergothérapeute ainsi relevé de son secret professionnel pourra alors témoigner des informations qui ont été portées à sa connaissance par le client dans le cadre des services professionnels rendus, à moins qu’elles ne soient préjudiciables pour le client ou pour un tiers. Un exemple de renonciation expresse est celui d’un client qui demande à l’ergothérapeute une expertise dans le cadre d’un litige et que l’expertise sera déposée devant le tribunal. Quant à un exemple de renonciation implicite ou tacite, il pourrait s’agir d’un cas où un ergothérapeute est poursuivi en responsabilité professionnelle. En invoquant que l’ergothérapeute a commis une faute dans l’exercice de sa profession, le client renonce de manière tacite au secret professionnel.

Deuxièmement, une disposition de la loi peut autoriser l’ergothérapeute à témoigner de tout renseignement de nature confidentielle obtenu dans l’exercice de sa profession. Par exemple, l’article 39 de la Loi sur la protection de la jeunesse oblige tout professionnel qui, par la nature même de sa profession, prodigue des soins ou toute autre forme d’assistance à des enfants et qui, dans l’exercice de sa profession, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis, à signaler sans délai la situation au directeur de la protection de la jeunesse. Le dernier alinéa de cet article spécifie qu’il s’applique même à ceux liés par le secret professionnel, sauf à l’avocat.

Assignation comme témoin devant le tribunal

Devant les tribunaux, une partie qui désire produire un témoin peut l’assigner au moyen d’un bref d’assignation, également appelé « subpoena », pour déclarer ce qu’il connaît et aussi pour produire quelque document. Toute personne apte à témoigner peut être contrainte de le faire sous peine d’outrage au tribunal. Par ailleurs, le tribunal doit rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux dont la violation du droit au respect du secret professionnel (art. 2858 du Code civil du Québec).

L’exception du secret professionnel ayant un caractère d’ordre public, toute personne peut l’invoquer. Le professionnel cité comme témoin peut donc en informer le tribunal. Il peut également préciser que certaines parties de son témoignage pourraient causer un préjudice à son client ou à un tiers. Le tribunal aura alors pour tâche de trancher et déterminer si l’intérêt de la justice commande ou non qu’il y ait témoignage. Dans le cas où celui-ci l’ordonne, le professionnel n’a d’autre choix que de témoigner puisque la loi l’y oblige. Précisons que le fait d’être simplement assigné devant la Cour ne relève pas le professionnel de son obligation au secret professionnel. En d’autres termes, le professionnel doit s’abstenir de divulguer l’information à la partie qui l’assigne avant le témoignage devant le tribunal.

En terminant, mentionnons que l’article 192 du Code des professions précise que le Comité d’inspection professionnelle, le Comité de discipline ainsi que le Tribunal des professions peuvent prendre connaissance d’un dossier tenu par un professionnel et requérir la remise de tout document et prendre copie d’un tel dossier ou document, dans l’exercice de leurs fonctions. Cette disposition précise que le professionnel ne peut invoquer son obligation de respecter le secret professionnel pour refuser de permettre l’examen d’un tel dossier ou document.

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